Introduction

En matière économique, on parle souvent de modèle. Il consiste dans une configuration d’ensemble de divers secteurs de notre système qui, selon un mode de fonctionnement, alimente la vie courante de l’économie. Au sein de ce système, il se crée des interactions entre les secteurs, par lesquelles le jeu des opérateurs maintient et dynamise le trépidant mouvement du fonctionnement de l’économie.

Ce mouvement économique est un corollaire de la vie sociale et culturelle que la politique doit réguler et gérer dans l’unique objectif d’assurer le bien- être collectif. Un entretien constant et permanent de cette dynamique procure et génère les produits, les services et toutes les ressources nécessaires à la satisfaction des besoins. Une garantie, cependant, qu’il convient de souligner, pour que la vie économique ne s’arrête pas et continue de tourner, il faut un environnement où, en tout temps, la libre circulation des personnes et des biens est assumée et assurée. Dans ce cadre, la recherche des satisfactions individuelles susceptibles de procurer un sentiment de confort s’offre à tous, dans une société que nous voulons être progressiste. Or, dans le contexte actuel de notre de vie de peuple, cette recherche de stabilité est constamment mise à l’épreuve par des activités criminelles qui mettent en péril la survie de diverses communautés et détruisent les opportunités créatrices de richesse.

Une économie en chute libre

L’économie haïtienne connait un important déclin. Son taux de croissance moyenne se trouve en dessous de 1.5% depuis plus d’une dizaine d’années. Il en résulte une faible capacité de création de richesse nationale tenant compte des exigences nouvelles crées par l’augmentation de la population. De plus, la crise sanitaire liée à la COVID-19 crée augmente la dégradation de la situation sécuritaire globale sur fond de crise socio-politique. De ce fait, les perspectives d’une amélioration ne sont pas reluisantes au point de constituer une véritable hypothèque pour le progrès à la fois économique et social.

Il convient d’ajouter que les facteurs structurels (dérèglements du climat, mauvaise gouvernance, crise sociales, politiques publiques inefficaces) maintiennent l’économie haïtienne dans une situation de décroissance remarquée. Le phénomène récent de l’intensification du cycle de violence liée aux activités destructrices des gangs armés fédérés ceinturant la zone métropolitaine risque d’anéantir ce qui reste du tissu productif économique haïtien.

Ces actes d’insécurité des gangs mettent en péril la survie même d’une économie déjà anémiée et requièrent, de la part de tout démocrate soucieux du bien-être collectif, divers questionnements :

  • On peut se demander comment des gangs de la zone métropolitaine couplés à ceux du département de l’Artibonite bloquent le fonctionnement de tout un pan de l’économie avec autant de facilité.
  • Dans la zone métropolitaine, les infrastructures de production de certaines entreprises industrielles et commerciales sont systématiquement vandalisées.
  • Des commerçants et de valeureuses « madan sara » qui empruntent les routes nationales # 1et 2 sont, de fait, empêchés de rentrer à la Capitale pour écouler leurs produits et sont rançonnés par des gangs lourdement armés, disposant de forces de frappe souvent disproportionnées par rapport aux forces de l’ordre ?

Des indicateurs macroéconomiques alarmants. Le système économique haïtien présente un ensemble d’indicateurs qui risquent de donner le vertige. Une démographie en croissance (1.34% en moyenne). Cinq années consécutives de croissance économique négative (2019 à 2023). En dépit de la prédominance du secteur informel, le tissu productif formel constitué d’entreprises industrielles et commerciales demeure agonisant. À part le secteur bancaire avec un niveau de productivité hors du commun (le bénéfice net au 2e trimestre de 2023 a cru de 75% par rapport à la même période de 2019, BRH), tout le reste de l’économie est à vau-l’eau. Il est inadmissible que la politique économique du pays ne présente pas de programmes d’investissement qui établissent la relation entre la croissance démographique de type géométrique et la production de biens et services nécessaires à la satisfaction de la population.

Les indicateurs macroéconomiques du secteur formel sont à la baisse. La production intérieure brute des secteurs de base pour l’année 2021 ne cesse de décliner. Les contributions respectives de l’agriculture, des industries et des services sont en baisse de 4,1%, 2,5% et 2% alors que leurs contributions au produit intérieur représentent les pourcentages suivants : Agriculture (20,6%) ; Industrie (25,4%) et Services (51,6%).

La balance commerciale d’Haïti qui accuse un déficit constant depuis plus d’un demi-siècle ne change pas au cours de ces dernières années selon les chiffres officiels. Les exportations représentent environ 12% du PIB et les importations ont plus que triplé pour la même période, soit 38% du PIB (MEF, 2019). Selon la BRH, cette situation est d’autant plus persistante puisque les cinq premiers mois de l’exercice fiscal de 2023 affichent un montant de 2 milliards USD $ environ pour les importations alors que seulement 370 millions USD $ de produits ont été exportés. Ce gap est, en partie, compensé par des flux de transactions financières courantes (transferts sans contrepartie) , ce qui constitue une bouffée d’oxygène pour l’équilibre de la balance des paiements et à l’allégement du poids de la dette du pays.

Le chômage touche environ 40% des jeunes de 15 à 24 ans. Il s’agit d’un fléau social. Toutefois, ce n’est qu’au secteur informel d’absorber 80% de l’emploi total. D’autant plus, l’inflation a atteint un record de 49 % en dépit de la baisse des dépenses publiques.

D’un autre côté, le soutien financier accordé aux familles pauvres par le gouvernement ne fait qu’augmenter la pression sur la consommation des articles de première nécessité dans un marché déjà très sensible à la spéculation et la hausse des prix.

Le caractère informel de l’économie haïtienne, tenant compte de son importance, pour soutenir la résilience de notre population, exige, pour être opérationnel, le maintien et le strict respect de la sacro-sainte règle libérale de la libre circulation des personnes et des biens. Nous constatons béatement, comme dans une totale indifférence, la rupture de la chaîne de transport.

Des initiatives économiques en difficulté.

Plusieurs initiatives engagées par des organismes publics sont hypothéquées par les agissements de ces groupes armés soutenus par divers secteurs mafieux et déstabilisateurs. Le Ministère des travaux publics, transports et communication tente de créer des voies de délestage pour soulager les transporteurs. Ces aménagements sont vite pris en otage par les gangs qui y installent des péages forcés, des postes de rançon. Ainsi, les gens qui s’aventurent sur la voie publique prennent un risque sur leur propre vie. Tous les espaces de liberté sociale sont pris au piège de la violence des gangs criminels et assassins. Notre subconscient collectif est imprégné d’une peur latente, même quand nous donnons l’impression d’une relative sérénité. Cette présentation de la vie économique montre qu’il y a un péril. C’est cette réalité que nous voulons changer.

Une politique économique intelligente de court et moyen terme pour sortir de l’asphyxie

Le soutien à la reprise économique en vue de sortir de ce naufrage national passe par une reprise vigoureuse de tous les secteurs. Il s’agit pour le gouvernement intérimaire d’intervenir pour continuer l’implémentation du Plan de Relance Economique Post Covid-19 (PREPOC), et poursuivre l’amélioration de la capacité de collecte de recettes fiscales ainsi que l’incitation au profit des petites et moyennes entreprises sans oublier la promotion de la création d’emploi.

Faut-il rappeler que le secteur agricole et celui de l’agro-industrie méritent une considération spéciale. Il présente l’avantage de faire baisser le taux de chômage et permet de réduire le flux d’importation des produits alimentaires. Il est également indispensable d’améliorer les infrastructures publiques existantes (entretien des voies d’accès, curage et construction de divers canaux d’irrigation, électricité, connectivité, …) tout en poursuivant les travaux techniquement viables au bénéfice de meilleures conditions de vie pour la population en particulier les déshérités.

Malgré les efforts qui peuvent être déployés par le gouvernement sur divers fronts, la problématique de l’insécurité reste l’un des défis fondamentaux qui handicapent la création de la richesse et font fuir les investisseurs nationaux et étrangers.

Moïse Celicourt & Euguy Sainvil, Économistes

Vice-Présidents de la FUSION

1 Comment

  • by Saint Louis J.G. Josma
    Posted 25 novembre 2023 8:11 pm

    La réalité en tout état de fait, les gangs se dressent en « Maitre Pays » et sembent vouloir nous exterminer. Les postes de payage ( Fontamara 27, Martissant 1 ou 7) ont des incidences sur la structure de prix arbitraire où les prix du riz, sucre, de l’huile et les ciments , fers sont fixés à qui mieux mieux et sont hors de tout contrôle étatique. Quant au logement nombre sont ceux qui perdent sans espoir de reouvrement leur maison et du fait leur économie tiré du loyer. La production nationale ne peut en rein fait sans la libre circulation de marchandises sachant le cout de payage des gangs fait monter également les prix. Toute solution à cette situation doit passer d’abord par a restauration de l’autorité de l’Etat où la sécurité sera le pivot du reste des solutions à mettre à l’évidence

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