Le Parti Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens et sa vision

Il restera de toi…
Il restera de toi ce que tu as donné.
Au lieu de le garder dans des coffres rouillés.
Il restera de toi de ton jardin secret,
Une fleur oubliée qui ne s’est pas fanée.
Ce que tu as donné, en d’autres fleurira.
Celui qui perd sa vie, un jour la trouvera.
Il restera de toi ce que tu as offert
Entre les bras ouverts un matin au soleil.
Il restera de toi ce que tu as perdu
Que tu as attendu plus loin que les réveils,
Ce que tu as souffert, en d’autres revivra.
Celui qui perd sa vie, un jour la trouvera.
Il restera de toi une larme tombée,
Un sourire germé sur les yeux de ton cœur.
Il restera de toi ce que tu as semé
Que tu as partagé aux mendiants du bonheur.
Ce que tu as semé, en d’autres germera.
Celui qui perd sa vie, un jour la trouvera.

                                                            S. Weil, Philosophe Humaniste

A travers ces vers, j’entends la voix du premier d’entre nous, Serge Gilles s’adressant au Parti fusion, lui disant : « ce que j’ai semé, en vous survivra ». Mais alors, comment ? 

Dans les années 78-80 Serge a créé avec ses camarades le mouvement Charlemagne Péralte, qui par la suite devint le Parti politique IFOPADAH (Union des Forces Patriotiques et Démocratiques Haïtiennes). Ce parti, pour lutter sur la scène politique haïtienne contre la dictature des Duvalier, évoluait aux côtés d’autres forces tels que le PDCH, le RDNP, le PUCH etc.

Ce n’est qu’à la chute de ce pouvoir en 1986, que Serge et une partie de son équipe sont rentrés en Haïti pour rencontrer d’autres cellules, d’autres militants ayant les mêmes sensibilités, des objectifs semblables aux leurs et les amener à créer ensemble le PANPRA (Parti Nationaliste Progressistes et Révolutionnaires Haïtiens). Enfin en 2005, deux autres forces, dont Haïti Kapab, le Congrès National des Mouvements Démocratiques (KONAKOM), se sont joints au PANPRA pour former le Parti Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens (PFSDH).

C’est avec ce Parti que nous continuons à véhiculer les idées que Serge Gilles répandait et qu’il cherchait à propager déjà dans des mouvements comme le BIP (Bloc Unitaire Patriotique) en 1988, Espace de concertation 2004, etc…  Serge Gilles rêvait de voir le peuple haïtien sortir de sa coquille sans substance, de ses luttes fratricides, de ses comportements les plus aberrants, pour garder un certain nombre de traits positifs qui faisait l’originalité de sa personnalité : sentiment d’honneur, amour passionné de la liberté, attachement très vif à la souveraineté nationale, goût de l’héroïsme, courage physique et morale, croyance en une vocation messianique de la nation haïtienne.

Nous lui rendons hommage. Mais hélas ! Amorcé par l’ambition de vouloir sortir la tête de l’eau, nous avons provoqué l’effondrement de pans entiers de la psychologie de bien faire. Ce qui a entrainé, bien sûr, une cohésion de valeurs morales traditionnelles et suscité, à l’inverse, l’apparition ou le renforcement des valeurs strictement négatives. Les membres de la hiérarchie politique nationale n’adhèrent pas à un système de croyance et de valeurs collectives, tenues pour essentielles à l’évolution vers un stade de développement supérieur.

On note une carence très prononcée de consensus sur les problèmes fondamentaux du pays, lesquels n’ont pas encore fait l’objet d’approches cohérentes susceptibles de rallier la majorité de la population. Plus de 38 ans après l’abolition de la dictature des Duvalier, l’élite politique n’a pas réussi à favoriser l’aménagement de mécanisme adaptés à la résolution des conflits inhérents à une société caractérisée en particulier par l’existence de classes sociales antagonistes, une grave pénurie de ressources politiques bien structurée et un faible niveau d’évolution socio-économique.

 Il en résulte que l’intégration et la cohésion indispensables à une action collective efficace restent irréalisables. L’existence d’un degré de consensus minimal ne permet pas d’arrêter une stratégie politique nationale à long terme. Elle a pour effet de porter la lutte pour le pouvoir à des seuils dangereux et de vouer à l’échec toute entreprise de construction nationale. Elle aggrave la vulnérabilité du pouvoir politique haïtien face aux mépris, aux desseins malhonnêtes des Etats étrangers auxquels nous nous sommes toujours subordonnés.

 On constate une carence très nette d’association culturelles à statut indépendant ainsi qu’une indulgence notoire de travaux de recherche sur la problématique haïtienne. La classe politique, de gauches ou de droites, sont loin de former des blocs monolithiques. Chaque groupe est exposé à des dissensions et des rivalités internes qui font que son niveau de cohésion reste en générale assez faible.  Le caractère chaotique de l’évolution politique nationale procède essentiellement des interactions négatives qui s’établissent au sein de la strate politique.

Le fait le plus frappant, à propos du règlement des antagoniste politiques au sein de la société haïtienne, est l’importance exceptionnelle réservée à la force de l’intimidation. Dès la naissance de l’Etat haïtien, les protagonistes de la lutte pour le pouvoir ont transformé l’espace géographique national en un champ de bataille où la victoire reste acquise à ceux des combattants qui se sont rendus maîtres du terrain par la force de leur audace. C’est ce qui arrive aujourd’hui avec les violences des groupes armées qui font régner la terreur dans le pays. Nous avons l’impressions d’être toujours en guerre, sous des formes à peine différentes de celles qu’elle a empruntées jadis. Par atavisme, les générations politiques contemporaines obéissent encore à la loi du sang : la voie conduisant au pouvoir est jonchée de cadavres et de blessés hors de combat.

 Les actes de violences qui forment la trame de l’histoire nationale sanctionnent la faillite de la politique, entendue dans le sens d’activité visant à faire prévaloir des solutions pacifiques. Le recours systématique à la force fait qu’on ne peut utiliser le concept de politique, à propos du règlement des conflits inhérents à la société nationale haïtienne que par un abus de langage.

Le système politique national est étroitement conditionné par le caractère des hommes qui veulent participer à l’organisation et au fonctionnement des institutions. A partir d’exemples de manières d’agir empruntés à l’histoire, on peut établir comme suit l’inventaire des dispositions caractérielles fondamentales de l’homme politique haïtien :

  • Recherche de l’intérêt personnel.

L’activité politique s’inspire en général de l’anticipation d’un bénéfice personnel et durable. Cette préoccupation dominante a pour corolaire une carence presque complète, chez l’agent de l’action politique, de dévouement effectif à l’intérêt collectif. La pratique du désintéressement patriotique reste une notion peu familière aux membres de la strate politique.

  • Individualisme et égocentrisme.

Voué à un individualisme outrancier et étroit, l’homme politique haïtien a tendance à ne penser qu’à lui-même et à adapter la devise « chacun pour soi ». Il est déterminé à assurer le triomphe de ses desseins égocentriques, quel que soit le péril auquel il expose l’ensemble de la nation. Par son attachement aux stratégies individuelles, il appartient à une espèce solidaire et semble éprouver une répulsion instinctive pour l’action collective.

  • Conception absolutiste de l’autorité.

De tempérament autoritaire, l’homme politique haïtien aime à régenter hommes et choses. Il se sent la vocation de chef, assume volontiers le rôle de leader au sein du groupement de taille fort réduite : cercle d’amis et ceux qui se ressemblent, coterie, clique.

Le goût excessif de la domination s’allie chez lui à un esprit d’insubordination et d’anarchie très prononcé. Il est peu disposé à se soumettre à une autorité, à moins d’y être contraint.

  • Esprit d’agressivité

L’agent d’intervention politique est très réservé à l’égard des méthodes de luttes pacifiques, du compromis et de l’arbitrage. Dans la tradition du XIXe siècle, il est enclin à recourir à l’action directe et la manière forte. La vie politique se déroule sous le signe de la violence et de la contrainte, qui empruntent les formes les plus diverses.

  • Machiavélisme.

Le leader politique se considère libre d’utiliser les moyens les plus perfides et les plus malhonnêtes : la compétition pour le pouvoir n’est soumise à aucune déontologie, à aucun code arrêté d’un commun accord. Aussi peut-on relever chez les représentants de l’élite politique nationale des modèles de comportement machiavélique : ruse, probité, défaut de scrupules, malveillance, hypocrisie, déloyauté, fourberie.

  • Opportunisme et servilisme.

L’activité de l’homme politique haïtien a en général un caractère opportuniste : il tend à exploiter les circonstances au mieux de ses intérêts personnels, sans égard aux principes. Sa faible armature morale fournit un terrain propice à la corruption. Le membre de la classe politique se laisse prostituer par le pouvoir, habile à discerner le défaut de la cuirasse. En contrepartie des avantages et des faveurs dont il est bénéficiaire, il manifeste son allégeance au dispensateur par une propension marquée au servilisme le plus abject.

  • Croyances en l’existence de capacités et d’aptitudes personnelles supérieurs.

L’agent de l’action politique possède une confiance absolue dans sa valeur personnelle. Il prétend seul posséder l’approche juste et correcte du problème national haïtien, malgré son extrême complexité.

Cette foi en ses aptitudes personnelles est en générale associée à un complexe messianique : le détenteur du pouvoir ou l’aspirant au pouvoir se sent secrètement investi de la mission d’assurer la survie du peuple haïtien, gravement menacée dans son existence même. Elle alimente des réactions d’intolérance à l’égard des solutions proposés par des concurrents, des rivaux ou des adversaires.

  • Ambition aveugle du pouvoir.

L’un des traits fondamentaux de la psychologie de l’homme politique haïtien est son ambition démesurée du pouvoir, qui prend l’allure d’une véritable névrose. Le pouvoir est convoité de manière passionnelle, de sorte qu’il représente l’objet de controverse essentiel de la strate politique nationale, la pomme de discorde par excellence. Moyen de sauvegarde d’intérêts particularistes plutôt qu’instrument d’intégration nationale. Il constitue la finalité suprême de l’action politique. Consciemment ou inconsciemment, l’homme politique haïtien recherche le pouvoir pour le pouvoir.

  • Caractéristiques secondaires.

Le caractère de l’homme politique haïtien présente de nombreuses particularités secondaires qui se répercutent également sur ses attitudes et ses comportements. Consentons-nous de mentionner :

  • l’amour de l’éclat et de la parole
  • le gout de la flatterie et l’aversion pour la critique sans détours.
  • l’insensibilité aux affronts personnels ainsi qu’aux insultes infligées à la nation haïtienne.
  • la peur excessive de la mort et de la douleur physique.
  • l’indifférence à la condition effroyable de la paysannerie et du prolétariat urbain.
  • le faible niveau d’aspiration au progrès de son pays.

 L’Analyse scientifique du problème haïtien est encore à un stade embryonnaire soit au niveau de l’explication causale, soit au point de vue de la thérapeutique à appliquer. Si les problèmes d’ordre économique ont pu être précisés avec une approximation suffisante, les analystes connaissent moins bien les aspects politiques et sociaux qui exercent pourtant une influence autrement déterminante sur l’évolution générale du pays. La complexité de la réalité haïtienne, en apparence rebelle à une exploration systématique et en profondeur, se traduit notamment par le caractère divergent des conclusions des travaux qui lui ont été consacrés, le chercheur tendant à privilégier telle ou telle variable isolée en fonction de son orientation personnelle.

 A notre avis, sans connaître le poids qu’il convient d’accorder à la rigueur des contraintes extérieurs et à la précarité du cadre physique dans lequel s’insèrent les efforts d’organisation de la nation, la banqueroute actuelle à ses causes profondes dans les caractéristiques permanentes du système politique haïtien et l’apparition de défaillances majeures au sein de la strate politique nationale.

Les membres de la hiérarchie politique nationale n’adhèrent pas un système de croyances et de valeurs collectives, tenues pour essentielles à l’évolution vers un stade de développement supérieur. On note une carence très prononcée de consensus sur les problèmes fondamentaux du pays, lesquels n’ont pas encore fait l’objet d’approches cohérentes susceptibles de rallier la majorité de la population.

Moins de 15 ans après l’intervention d’une force étrangère consécutive à l’instabilité du pouvoir, l’élite politique n’a pas réussi à favoriser l’aménagement de mécanisme adaptés à la résolution des conflits inhérents à une société caractérisée en particulier par l’existence de classes sociales antagonistes, une grave pénurie de ressources politiques et un faible niveau d’évolution socio-économique.

 Il en résulte que l’intégration et la cohésion indispensables à une action collective efficace restent irréalisables. L’inexistence d’un degré de consensus minimal ne permet pas d’arrêter une stratégie politique nationale à long terme. Elle a pour effet de porter la lutte pour le pouvoir à des seuils dangereux et de vouer à l’échec toute entreprise de construction nationale. Elle aggrave la vulnérabilité du système politique haïtien face aux desseins malhonnêtes des Etats étrangers auxquels il s’est subordonné.

  A la différence de la plupart des Etats du Tiers-monde indépendamment de leur régime sociopolitique, le pays dispose de plus de partis politiques mais insuffisamment organisés et stables pour assurer l’encadrement des citoyens participant aux affaires publiques.

Qu’ils proviennent d’une initiative du pouvoir ou de celle de l’opposition, les efforts visant à la création d’organisme de ce type se soldent invariablement par des échecs. Le parti politique tel qu’il est connu et fonctionne presque partout à l’étranger ne s’est pas adapté au contexte sociologique haïtien.

 La vie politique nationale est animée principalement par des agents agissants individuellement et de manière autonome, en dehors de tout instrument de participation organisée. Le caractère désordonné des innombrables interventions personnelles aboutit à de véritables carambolages, qui dépassent largement la capacité de régulation du système.

  A un niveau plus élevé, le type le plus fréquent d’unité organique collective à vocation de lutte pour le pouvoir est offert par le groupement politique à fins limitées et temporaires. La prolifération de ses petites structures partisanes traduit la tendance des forces politiques nationales à se fragmenter à l’excès. Elle est liée le plus souvent à l’apparition d’une conjoncture exceptionnelle telle qu’une fin de mandat présidentiel ou une vacance de pouvoir. En règle générale, ces formations improvisées et épisodiques ne survivent guère à la disparition des circonstances à l’origine de leur genèse.

 Les paramètres de la situation socio-politique d’Haïti, n’autorisent aucun optimiste excessif pour ne pas dire que l’espoir devient de plus en plus incertain dans un contexte où toutes les forces vives de la nation sont à genoux devant les forces obscures internes et l’indifférences des puissances internationales face à la situation.

Par ailleurs, certains précédents historiques laissent cependant présumer qu’en se réunissant dans une structure d’action collective de type unitaire et en s’équipant d’un minimum de moyens matériels et humains, les courants démocratiques et progressistes peuvent se trouver en mesure d’abattre le statu quo. Tout compte fait, le régime politique actuel n’est redevable de sa survie qu’à la division et la faiblesse de ses adversaires.

Si les éléments favorables à l’émergence d’une société nouvelle en Haïti ne veulent ou ne peuvent forger leur cohésion face à l’emprise tenace de nos habitudes archaïques, l’expérience nationale haïtienne peut être tenue pour condamnée.

Cela étant dit, il faut sortir du discours d’enfermement et passéistes consistant à répéter nos prouesses du passé pour s’engager dans l’action collective, l’action concrète et opérationnelle. Pour y arriver, ne faudra-t-il pas redéfinir une nouvelle ligne idéologique transformatrice en lien avec la situation actuelle, des hommes et des femmes pétris par cette idéologie et une restructuration de notre Parti politique à un moment où notre nation est au bord d’un gouffre n’ayant rien à envier aux scènes les plus macabres de l’Apocalypses ? D’où l’intérêt de nous engager activement ; mais quelle stratégie utiliser et par où commencer ?

                 LUCIEN Jean Benit

                               Cellule France , FUSION des Sociaux-Démocrates

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