L’objectif de cet article est de faire une analyse des recommandations de la COP28 (Conférence des Parties) qui s’est tenue il y a quelques jours à Dubaï, et des conclusions qu’on peut tirer pour Haïti. On présentera tout d’abord les conclusions les plus pertinentes des différentes COP pour se centrer sur celles de la COP28. Ensuite, une analyse de la situation actuelle d’Haïti en ce qui a trait au changement climatique sera faite. Finalement, des leçons seront tirées pour Haïti et des recommandations seront formulées pour aider le pays à mieux faire face aux aléas liés au changement climatique et à prendre des mesures concrètes visant à préserver l’environnement et la résilience des générations futures.

Quelques Éléments de Base de la COP

La COP, Conférence des Parties, est une réunion annuelle au cours de laquelle les États membres des Nations Unies se réunissent pour évaluer les progrès réalisés dans la lutte contre le changement climatique et élaborer un plan d’action climatique conformément aux lignes directrices de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La première COP est tenue à Berlin en 1995, l’avant-dernière COP, la COP27, à Charm el-Cheikh, Egypte en 2022, et la plus récente, la COP28 ce mois de décembre 2023 à Dubaï aux Émirats Arabes Unis.

Ces réunions revêtent une importance mondiale pour les États membres des Nations Unies et leur permettent d’arriver à des décisions contraignantes relatives au changement climatique, tant pour les pays développés que pour ceux en voie de développement. Les décisions de la COP ont une autorité mondiale où des pays puissants ont les mêmes droits de vote que de petites nations insulaires. De plus, les décisions ne peuvent être prises que par consensus, après des négociations engagées par les représentants des États membres de l’ONU. Il convient de noter que la participation aux COP est ouverte à plusieurs organisations en tant qu’observatrices, ainsi qu’aux représentants industriels et aux lobbyistes. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est opportun de revenir sur quelques fondamentaux souvent évoqués dans les négociations et les accords des COP :

a) Gaz à effet de serre

Les gaz à effet de serre sont des gaz naturels, tels que le CO2, le méthane et le dioxyde de soufre, qui emprisonnent la chaleur sur terre. Ce nom vient d’une analogie avec une serre, laquelle capte la chaleur pour faire pousser des produits maraichers dans des climats froids. Les humains ont commencé à brûler des combustibles fossiles pour soutenir un mode de vie de plus en plus mécanisé, avec le début de la révolution industrielle, vers le milieu des années 1700. La combustion de ces fossiles libère des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui rend la planète de plus en plus chaude. Selon la NASA, sans gaz à effet de serre, la température moyenne sur Terre serait de –18°C (0°F), au lieu des 15°C (59°F) actuels.

b) Trajectoire 1,5°C

Depuis la révolution industrielle, la température moyenne à la surface de la planète a augmenté d’environ 1,2°C. La plupart des scientifiques s’accordent sur le fait qu’une augmentation de 1,5°C est le seuil au-delà duquel les effets du changement climatique seraient les plus dangereux et irréversibles. Une trajectoire de 1,5°C est donc un plan visant à maintenir l’augmentation moyenne de la température mondiale en dessous de ce niveau. Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C de nombreux pays, entreprises, et organisations se sont engagés à décarboniser ou à effectuer une transition vers zéro émission nette dans les années à venir.

c) Protocole de Kyoto

Le Protocole de Kyoto, ratifié en 1997, est un traité international historique dans lequel les signataires ont convenu de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter toute interférence humaine avec le climat naturel. Le traité, résultat de la COP3, est l’un des résultats les plus significatifs des réunions de la COP. En 2012, l’accord a été prolongé jusqu’en 2020.

d) Accord de Paris

L’Accord de Paris est un traité international contraignant négocié en 2015 lors de la COP21 et signé par quelque 196 pays. Les participants ont convenu de limiter l’augmentation des températures mondiales à 2°C tout en poursuivant les efforts pour rester sous la barre des 1,5°C. Selon l’accord, chaque pays doit suivre, enregistrer et déclarer ses émissions de carbone ainsi que ses efforts pour les réduire et les compenser.

e) CDN

La CDN ou Contribution Déterminée au niveau National, est un plan d’action climatique au niveau national visant à réduire les émissions et à s’adapter aux impacts climatiques. A travers les CDN, les pays fixent des objectifs pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre qui causent le changement climatique et pour s’adapter aux impacts climatiques. Chaque partie à l’Accord de Paris est tenue d’établir une CDN et de la mettre à jour tous les cinq ans. Les plans définissent comment atteindre les objectifs et élaborent des systèmes de suivi pour vérifier les progrès afin qu’ils restent sur la bonne voie.

Un bref historique de la COP

La première COP en 1995 s’est déroulée à la suite de la onzième session du Groupe de Négociations Intergouvernementales. Ce dernier a été mis en place après la création de la CCNUCC en 1992 lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement au cours du sommet de Rio. Il convient de préciser que ce sommet faisait suite à l’appel lancé par Margaret Thatcher en 1990 lors de la deuxième Conférence mondiale sur le climat en faveur d’une négociation sur le changement climatique. L’objectif principal de la COP1 était de relancer les négociations pour renforcer la réponse mondiale au changement climatique.

Depuis lors, plusieurs COP ont eu lieu dans toutes les régions du monde, la dernière en date venant de se terminer aux Émirats arabes unis. Entre la première COP en 1995 et la COP 27 tenue en 2022, plusieurs négociations ont eu lieu, des recommandations ont été formulées et des décisions ont été prises. Certaines d’entre elles incluent la négociation d’une réponse coordonnée à l’échelle mondiale au changement climatique et la soumission de communications nationales sur les CDN, détaillant leurs mesures de limitation des émissions anthropiques.

Parmi les autres points clés à retenir, citons la mise en œuvre du Protocole de Kyoto en 2004, établissant des marchés du carbone et obligeant les pays développés à respecter des objectifs juridiquement contraignants de réduction des émissions.

Dans certaines COP, des engagements de financement ont été pris, même si les allocations n’ont pas nécessairement suivi. Lors de la COP23 en 2017, les Parties ont encore réaffirmé leur engagement de 100 milliards de dollars par an, toujours sans grand succès. Le Fonds d’adaptation a cependant enregistré des progrès en matière de financement, dépassant l’objectif de 80 millions de dollars pour 2017 et atteignant 93,3 millions de dollars, principalement grâce aux annonces de financement importantes. L’accent mis sur les océans a constitué une avancée notable – en partie appréciée pour leur association étroite avec le changement climatique.

D’autres COP, de la COP25 en 2019 à la COP27 en 2022, couvraient les orientations du Fonds d’Environnement Mondial et du Fonds Vert du Climat, deux mécanismes de financement préexistants. Les parties ont également adopté le Pacte climatique de Glasgow, un ensemble de décisions visant à « maintenir 1,5°C en vie ». Les partis ont également réaffirmé leur engagement à verser 100 milliards de dollars par an avec un plan d’action pour y parvenir d’ici 2023.

Plus précisément, lors de la COP27 de l’année dernière, d’importants obstacles bloquaient la voie de la carboneutralité, car selon certains, une trajectoire de 1,5°C n’était pas encore réalisable. Pour ce faire, il aurait fallu que les dirigeants et les organisations prennent des mesures supplémentaires et urgentes en faveur de la réduction et de l’élimination des émissions.

L’adaptation et les pertes et dommages étaient des thèmes majeurs, destinés notamment à accroître la résilience des milliards de personnes vivant dans des zones géographiques plus vulnérables aux aléas climatiques. La carboneutralité reste un objectif, mais la sécurité énergétique, la résilience et l’abordabilité sont tout aussi importantes.

COP28 – Que Faut-il Retenir ?

Le rideau est récemment tombé sur le sommet climatique Cop28, qui s’est terminé par un accord historique appelant à une transition loin des combustibles fossiles. Des centaines de dirigeants mondiaux et d’experts du climat s’étaient réunis cette année à la conférence des Nations Unies sur le climat pour assister à l’approbation d’un « fonds pour les pertes et dommages » liés aux catastrophes climatiques et à un accord controversé sur l’abandon des combustibles fossiles, alors que les pays étaient confrontés à des évaluations accablantes de leurs émissions de carbone. Il convient de noter la participation d’un nombre record de participants (près de 2500) liés à l’industrie des combustibles fossiles.

Les États participant à la COP28 devaient à tout prix adopter un nouvel accord sur le climat, dans un contexte de controverse autour de la nomination du sultan al-Jaber à la présidence, en raison de sa position de magnat du pétrole des Émirats Arabes Unis et de sa prétendue remise en question du changement climatique. Les pays ont également pris du retard lors du premier examen de leurs progrès en matière de réduction des émissions afin de maîtriser le réchauffement climatique.

Le sommet de la Cop28 a débuté par la mise en œuvre de ce que la Cop27 avait mis sur papier, le fonds pour les pertes et dommages, destiné à aider les pays les plus pauvres, comme Haïti, à faire face à l’impact de la crise climatique. Amener les pays les plus riches – certains des plus grands pollueurs du monde – à s’engager à verser de tels fonds a été l’un des plus grands défis de ces dernières années. La décision de s’éloigner des combustibles fossiles va également dans une direction claire : les pays en développement, qui ont très peu à voir avec cette crise, ont besoin d’argent pour passer aux énergies renouvelables. Voici les points les plus saillants ressortis de la COP 28 :

Les Énergies Renouvelables, l’avenir du monde

Au cours de trois décennies de négociations sur le climat, les pays n’avaient jusqu’à présent pas réussi à mentionner la cause profonde de la crise climatique : la combustion de combustibles fossiles qui génère des émissions. Cette fois-ci, le sommet a clairement établi une chose : les énergies renouvelables sont l’avenir et elles sont appelées à devenir les principales sources d’énergie dans les décennies à venir. L’accord final appelait les pays à tripler leur capacité d’énergie renouvelable d’ici 2030. L’utilisation et les infrastructures de l’énergie solaire et éolienne se sont

déjà développées à un rythme rapide et les prix ont chuté. La Cop28 a envoyé un signal clair aux marchés : les énergies renouvelables sont l’avenir et davantage d’investissements seront réalisés dans le secteur.

Plus de 130 pays, ainsi que des scientifiques et des groupes militant pour le climat, ont demandé l’inclusion d’un engagement explicite à éliminer progressivement, voire à réduire progressivement, l’utilisation des combustibles fossiles. Bien qu’il s’agisse d’un grand pas en avant, les pays les plus vulnérables à l’impact de la crise climatique, notamment à l’élévation du niveau de la mer, et aux conditions météorologiques extrêmes, affirment qu’il en faut beaucoup plus.

Le sommet a été le théâtre d’une bataille acharnée entre les pays qui voulaient que le texte inclue « l’élimination progressive » des combustibles fossiles et ceux qui s’y opposaient, menés par les pays producteurs de pétrole comme l’Arabie Saoudite. Le texte final a réussi à obtenir un consensus majoritaire au sein des 200 pays participants pour inclure un libellé visant à « s’éloigner » des combustibles fossiles, qui sont responsables de près de 90 pour cent des émissions mondiales de dioxyde de carbone, selon l’ONU.

L’accord a été salué par les Nations Unies comme « le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles ». Bien qu’il s’agisse d’un progrès salué par beaucoup, les groupes climatiques ont également déclaré que le langage sur les énergies renouvelables devrait être renforcé lors des prochains sommets. Les experts affirment également que de tels objectifs sont difficiles à atteindre étant donné les pressions financières qui pèsent sur les pays en développement.

Fonds « Pertes et Dommages » approuvé

La conférence a débuté sur une note positive avec l’approbation d’un « fonds pour les pertes et dommages » en cas de catastrophe climatique, présenté pour la première fois à la COP27 en Égypte l’année dernière. Le fonds est destiné à soutenir les communautés vulnérables et les pays en développement qui luttent pour faire face à l’impact des catastrophes climatiques telles que la destruction des récoltes causée par les inondations. Cependant, les pays développés ont été critiqués quant au montant d’argent qu’ils sont prêts à accorder.

Plusieurs pays ont promis un total de 700 millions de dollars, ce qui est bien loin des 400 milliards de dollars de dommages causés chaque année par le changement climatique. En septembre, un groupe de pays en développement avait demandé qu’au moins 100 milliards de dollars soient engagés dans le fonds. En plus de recueillir des promesses de dons, les participants au sommet de cette année ont discuté du mode de gestion efficace du fonds, tandis que son conseil d’administration devrait se réunir en janvier pour finaliser le cadre et commencer les opérations.

Les progrès de l’Accord de Paris

La nécessité de nouveaux plans climatiques et de projets multilatéraux plus robustes pour l’atténuation du changement climatique est devenue encore plus pressante à la lumière des écarts croissants dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. La COP28 a conclu la première évaluation des progrès réalisés par chaque État en matière de réduction des émissions conformément au principe central de l’accord : limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degrés Celsius (2,7 degrés Fahrenheit) au-dessus des niveaux préindustriels.

Qui accueillera la Cop29?

L’une des questions qui pesaient sur la conférence de cette année était celle de savoir où se déroulerait la prochaine conférence. En général, les pays hôtes savent un an ou deux à l’avance quand ils tiendront un sommet de l’envergure d’une COP. Mais cette année, une impasse géopolitique a laissé la conférence sans successeur.

C’était censé être le tour de l’Europe en 2024, mais la Russie s’est engagée à opposer son veto à la candidature de tout pays à l’accueil du sommet, la majeure partie du continent s’étant alignée pour condamner l’invasion de l’Ukraine par Moscou, qui a duré près de deux ans. Finalement, samedi, trois jours seulement avant la fin officielle de la Cop28, cette impasse a été levée et l’Azerbaïdjan, un autre producteur de pétrole, a été officiellement choisi comme prochain hôte.

Brève analyse de la situation d’Haïti relative au changement climatique

Haïti ne fait pas exception à ce phénomène alarmant de changement climatique, une réalité indéniable qui affecte notre planète. Les actions quotidiennes du peuple haïtien jouent un rôle important dans l’exacerbation du changement climatique, et les conséquences sont déjà visibles. Le pays est soumis à plusieurs reprises à des phénomènes météorologiques extrêmes et la population paie le prix le plus élevé de ces catastrophes.

Haïti est le pays le plus vulnérable d’Amérique latine et des Caraïbes au changement climatique. La hausse des températures et la baisse des précipitations ont intensifié la sécheresse, contribuant à l’insécurité alimentaire qui touche près de 5 millions d’Haïtiens, soit près de la moitié de la population. Les tempêtes liées au climat s’intensifient également, provoquant des inondations dévastatrices.

L’impact des conditions météorologiques extrêmes est amplifié par une histoire de mauvaise gestion des ressources naturelles et de surexploitation. La déforestation et le manque d’entretien des infrastructures de drainage s’ajoutent à la dévastation des tempêtes liées au climat.

Le changement climatique a déjà causé des dégâts importants en Haïti, notamment la disparition progressive de certaines cultures fruitières dans certaines régions. Les signes sont évidents dans la baisse des rendements agricoles et la perturbation des schémas saisonniers dans tout le pays. À cela s’ajoute que les déchets toxiques jetés dans le sol se retrouvent fréquemment dans nos rivières, entraînant une contamination des eaux et l’émergence de nouvelles maladies.

Aujourd’hui, 85 % des sols d’Haïti sont gravement dégradés et le couvert arboré. Les forêts de mangroves et les écosystèmes coralliens ont disparu. En tant que nation côtière, Haïti est également exposé à un risque élevé d’élévation du niveau de la mer, ce qui menace la vie et les moyens de subsistance de nombreuses personnes vivant à proximité de la côte. Ces risques sont appelés à s’intensifier au cours des 30 prochaines années.

Les communautés traditionnellement marginalisées – les jeunes, les femmes, les personnes handicapées et les personnes vivant dans des zones rurales isolées ou dans des centres urbains à forte densité où la portée du gouvernement est limitée – sont particulièrement touchées.  Ayant déjà du mal à joindre les deux bouts, beaucoup n’ont pas les moyens de s’adapter même s’ils le souhaitent, alors que la sécheresse actuelle diminue les récoltes et que la violence liée aux gangs continue de rendre difficile l’accès aux marchés locaux.

Face à cette situation, de nombreux Haïtiens, notamment des jeunes, partent s’installer en République dominicaine ou aux États-Unis, même s’ils sont alors victimes de discrimination, de racisme ou sont renvoyés de force. D’autres émigrent vers les villes – en particulier vers la capitale, Port-au-Prince – et finissent par vivre dans des logements de fortune dans des bidonvilles dangereux et contrôlés par des gangs armés.

L’abattage d’arbres, l’un des principaux contributeurs au changement climatique en Haïti, est devenu un moyen de survie pour de nombreuses familles. Compte tenu des difficultés économiques qui frappent notre pays, ce choix est compréhensible. Cependant, notre silence face à cette pratique destructrice de l’environnement est inexcusable. Il est impératif de mettre en œuvre des initiatives éducatives, communautaires et normatives pour sensibiliser à l’impératif de protéger notre environnement. Chaque citoyen a la responsabilité de protéger notre environnement afin d’éviter les calamités à long terme liées au climat. Paradoxalement, ceux qui contribuent à la dégradation de l’environnement en Haïti sont souvent les premiers à exprimer leurs plaintes lorsque les sécheresses et les inondations ravagent leurs communautés.

Quelles Leçons peut-on tirer pour Haïti ?

Sans une réponse adéquate aux défis climatiques et environnementaux, la violence, l’exclusion et la pauvreté auxquelles sont confrontés tant d’Haïtiens sont vouées à s’aggraver et à s’enraciner dans la vie quotidienne. Il y a quelques semaines, l’ONU a reconnu pour la première fois que le changement climatique avait un impact négatif sur la sécurité alimentaire, la pénurie d’eau et la situation humanitaire en Haïti, aggravant ainsi l’instabilité existante.

Il s’agit d’un pas en avant franchi alors que l’ONU a accepté de continuer à soutenir un travail de grande envergure dans le pays et que l’élan se crée en faveur du déploiement d’une « force multinationale » pour aider à freiner la violence endémique des gangs. Jusqu’à présent, les

interventions internationales se sont concentrées sur des approches politiques et sécuritaires pour guérir les symptômes des maux d’Haïti, mais n’ont pas réussi à s’attaquer à leurs causes.

Alors que la conférence internationale sur le climat COP28 – la toute première COP avec une session thématique consacrée aux secours, au redressement et à la paix – vient de conclure, il est temps pour les donateurs multilatéraux et bilatéraux de repenser le financement climatique afin qu’il réponde enfin aux besoins de ceux qui vivent dans des pays fragiles et des États touchés par un conflit comme Haïti.

Le Ministre Haïtien de l’Environnement, James Cadet, a joint sa voix à celles des dirigeants pour déplorer le peu de progrès réalisés pour éviter le réchauffement climatique. « Tout retard additionnel au cours de cette décennie critique se traduira par des scénarios catastrophiques pour les petits états insulaires en développement comme Haïti qui peine encore à se relever des récentes inondations meurtrières et dévastatrices pour l’économie du pays » a relevé le Ministre.

Cette année, l’appel humanitaire lancé par l’ONU pour Haïti a demandé le montant le plus élevé depuis le tremblement de terre de 2010, soit 720 millions de dollars. Jusqu’à présent, les donateurs ne se sont engagés qu’à hauteur de 22,6 % de ce montant. En plus de l’appel humanitaire, Haïti aura probablement besoin de financements plus nombreux et variés pour aborder et offrir des avantages conjoints dans le cadre du lien climat-paix-humanitaire. Les partenaires d’Haïti devraient joindre le geste à la parole et engager les ressources dont le peuple a besoin pour mettre fin à des décennies d’indignités liées au climat et construire un pays pacifique et durable.

Aller au-delà des solutions militarisées

Lors de son intervention à la COP28, le Ministre Cadet a mentionné l’impact du changement climatique sur la détérioration de la dégradation de la situation sécuritaire d’Haïti. Selon lui, c’est une « problématique extrêmement préoccupante » qui rend le pays encore plus fragile et aggrave la situation de la société haïtienne.

Haïti doit prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique, car le coût de l’inaction est tout simplement trop élevé pour notre nation et sa population. Selon Monsieur Cadet, le pays fait tout son possible pour faire face à ses engagements liés à la lutte contre le changement climatique, en particulier l’adaptation et l’atténuation des effets, mais le manque de moyens financiers, humains et technologiques retarde les actions appropriées.

Le soutien international doit donc aller au-delà des solutions militarisées visant les symptômes pour plutôt s’attaquer aux causes profondes. La lutte contre la dégradation de l’environnement et l’impact du changement climatique sur les moyens de subsistance doivent être une priorité. En outre, le reboisement, la préservation de l’environnement, la sauvegarde de nos montagnes et de nos rivières et la réduction de l’utilisation de produits nocifs sont autant de mesures cruciales pour un climat plus stable et un environnement plus sain, plus productif et plus esthétique pour les générations futures.

Il ne suffit pas de faire des plaidoyers pour plus de financement des actions climatiques, tel que l’a fait le Ministre. Il faut que le Gouvernement Haïtien assume également son rôle de leadership pour garantir la sécurité climatique ainsi que la protection et la restauration de l’environnement, lesquelles doivent être au centre de toutes les décisions économiques, politiques et sociales du pays.

Une vision de haut niveau construite à travers un dialogue multisectoriel devrait guider ces efforts. Cette vision doit refléter les priorités et les valeurs de tous les Haïtiens, tout en tirant également parti des opportunités de coopération avec les partenaires régionaux et internationaux. Elle doit également refléter les politiques et stratégies climatiques existantes, telles que le Plan national d’adaptation d’Haïti, lancé en janvier, qui identifie quatre domaines prioritaires – l’agriculture, l’eau, la santé et les infrastructures – et suggère les prochaines étapes à travers un processus participatif et itératif.

Tout en s’attaquant aux impacts du changement climatique sur l’économie, il est essentiel que des efforts soient également déployés pour rétablir la cohésion et la confiance au sein et à travers la société. Pour ce faire, le lien entre les Haïtiens et leur environnement naturel doit être rétabli comme base pour lutter contre l’insécurité et la violence. Les réponses communautaires à la gestion environnementale et à la durabilité peuvent grandement contribuer à cet objectif.

Les solutions aux multiples crises d’Haïti doivent venir des Haïtiens eux-mêmes, non pas de la communauté internationale, étant entendu que certaines des initiatives les plus innovantes et durables se trouvent au niveau local. Par conséquent, les réponses doivent être décentralisées, en responsabilisant les communautés locales. Cette approche favorise également la cohésion sociale au sein des communautés.

Le secteur privé Haïtien a un rôle clé à jouer dans l’accélération de la décarbonisation, notamment grâce à une collaboration interentreprises. Les dirigeants Haïtiens doivent rester concentrés sur le long terme tout en s’adaptant aux réalités du présent, en conciliant la résilience avec des engagements en faveur de la carboneutralité. Les secteurs privé et public devraient passer à l’offensive, en pariant sur l’énergie verte et en déployant des capitaux à grande échelle. Des investissements importants dans de nouvelles technologies vertes prometteuses sont nécessaires, du captage du carbone à l’agriculture durable.

Les solutions fondées sur la nature, comme le reboisement et l’amélioration de la biodiversité, peuvent contribuer à répondre aux crises convergentes du changement climatique et de la perte de la nature. Les dirigeants Haïtiens devraient collaborer entre les écosystèmes, en impliquant les communautés privées, publiques et philanthropiques dans les efforts de développement durable. Il est impératif que les dirigeants et les chefs d’entreprise Haïtiens passent de l’engagement à l’action, suite à la COP28 et pour ne pas compromettre encore plus l’avenir de notre génération future.

Elsie LAURENCE-CHOUNOUNE, PhD

Elsie LAURENCE-CHOUNOUNE

Leave a comment