D’après les informations qui circulent, il existe aujourd’hui plus de trois cent trente (330) partis politiques autorisés par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. D’autres seraient parait-il en cours de constitution. Le phénomène de prolifération des partis politiques a pris une ampleur considérable avec le vote de la loi régissant la matière qui permet à une vingtaine de personnes de créer un parti et de le faire reconnaitre légalement. S’il est vrai que la liberté d’association constitue un droit, cependant le rôle d’intermédiation qu’un parti politique est appelé à jouer dans le fonctionnement des institutions publiques suppose une règlementation spécifique pour ce type d’organisation.
Aux yeux de l’opinion publique cette pléthore de partis politiques a un effet dévastateur quant à la crédibilité de toutes celles et de tous ceux qui prétendent briguer le pouvoir. Comment veut-on que l’on prenne au sérieux les partis qui animent depuis fort longtemps la vie politique du pays, quand chaque individu, chaque ancien parlementaire ou ministre se croit obligé de créer sa propre organisation. Quand on sait ce que cela coûte en termes de temps, d’effort, de disponibilité, de moyens matériels et humains pour faire fonctionner un parti digne de ce nom, on se demande bien comment ils font pour exister et compter vraiment dans la lutte pour le pouvoir.
Il est vrai que la plupart d’entre eux n’existent que de nom ou sont juste des sigles qui servent à signer des notes de presse. Les uns et les autres se disent que c’est la seule façon pour eux d’avoir une place autour de la table ou pour se faire inviter dans les grandes rencontres ou par les ambassades. Les élections passées ont montré qu’une cinquantaine d’entre eux seulement présentent quelques candidats à certains postes électifs. Le nombre de candidats à la présidence étant plus faible du fait des contraintes imposées par les lois électorales.
Imaginons une élection où il y aurait cent, deux cents ou trois cents candidats à la présidence. Ce serait un casse-tête pour le Conseil Électoral chargé de préparer les bulletins de vote et une confusion totale pour les électeurs même lettrés qui auraient du mal à trouver le candidat de leur choix. Si comme la loi le prévoit, le gouvernement veut accorder un financement public aux partis et aux candidats, ce sera quasiment impossible à faire équitablement, sauf à effectuer un saupoudrage aussi dispendieux qu’inefficace. Soit dit en passant que la perspective d’un financement public ne doit en aucune façon constituer une incitation à créer plus de partis politiques.
Dans la perspective de l’organisation des prochaines élections il nous faut poser dès à présent le problème de la prolifération des partis politiques et réfléchir à la façon de le résoudre dans le respect des règles démocratiques. De nombreuses questions peuvent être soulevées. Faut-il refaire avant les élections une nouvelle loi sur les partis politiques plus exigeante et moins laxiste ? Comment réduire le nombre impressionnant, presque ridicule des partis politiques existants ? Comment encourager les partis de même tendance à se regrouper au sein d’une même organisation ? La Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens a apporté la preuve que c’était possible en rassemblant sous une même bannière des partis qui se réclamaient de la social-démocratie. Mais malheureusement l’exemple n’a pas été suivi. Dans un système démocratique, il n’est pas recommandé de changer les règles du jeu à la veille des élections. Mais dans notre situation, c’est un impératif. En lançant ce débat, loin de nous la pensée de vouloir stigmatiser qui que ce soit. Il s’agit d’un vrai problème qui demande des solutions responsables. Dans cette affaire, c’est le peuple haïtien qui doit avoir le dernier mot. Plusieurs pays de tradition démocratique, comptent de nombreux partis politiques, mais les alternances se font en général entre eux ou trois grandes formations vers lesquelles se tournent les citoyennes et les citoyens pour élire leurs dirigeants. Les autres petits partis font de la figuration, délivrent leur message, mais ont très peu d’élus ou pas du tout.
Il incombe aux partis qui animent la vie politique depuis la fin de la dictature de s’entendre pour se fédérer par sensibilité politique et faire des offres politiques crédibles en quantité limitée. Au cas contraire c’est toute la classe politique qui risque d’en pâtir. Et c’est notre pays qui continuera d’être la risée du monde et de voir son entrée dans la modernité politique retardée.
L’appel est lancé. Dirijan politik yo jwèt pou nou.
La Rédaction
Note: La photo de couverture de cet article a été générée par l’intelligence artificielle