Serge Gilles, l’homme qui a cru dans la force de la jeunesse haïtienne

Ma rencontre avec le Sénateur s’est terminée par une découverte, que je partage avec vous.

Après avoir réalisé un interview avec un historien haïtien de renom dans le cadre des recherches en sociologie politique, ce dernier a trouvé mes idées intéressantes et il m’a proposé son aide pour me faire rencontrer un monsieur qui saurait les apprécier davantage. Et, quand il m’a donné le numéro de contact, c’était l’ancien Sénateur Serge Gilles, l’un des figures de proue du milieu politique haïtien Post-Duvalier. Vite fait, j’ai eu la confirmation avec lui par téléphone, il a accepté de me rencontrer. Ancien sénateur de la république d’Haïti à deux reprises, fondateur du parti IFOPADA depuis la France et fondateur du Parti FUSION, à l’époque il était membre d’honneur du Parti, était très enthousiasmé à me rencontrer. Chez lui, le jour où j’ai rencontré le Sénateur, j’étais surpris de croiser avec son esprit ouvert et jeune, plus jeune que le mien, au moment j’avais à peu près une trentaine d’années. Je ne lui ai pas osé demander comment il connaissait toutes les expressions orales de la jeunesse haïtienne contemporaine, vu son âge ? J’avoue que j’étais très à l’aise avec son attitude, les discussions étaient faciles ; il était quelqu’un d’optimiste et plein d’espoir pour la jeunesse. Nous avons entamé des débats sur des sujets divers, dont un bref extrait (Questions, réponses) que je décide de partager avec vous, qui concerne ses bonnes intentions sur l’avenir politique du parti FUSION et de ses espoirs pour la génération future.

Dans nos discussions ouvertes, à un certain moment je lui ai posé plusieurs questions ; dont l’une sur les moyens utilisés pour atteindre le pouvoir politique ? son opinion :

 S. Gilles : La stratégie est d’abord une bonne implantation du parti, participer aux activités politiques, faire beaucoup d’effort pour qu’il y ait de bonnes élections dans ce pays, faire en sorte que la jeunesse soit intéressée par la politique car la jeunesse est le ‘ « poto mitan’ »[1] de cette nation. Si tu ne travailles pas avec la jeunesse, tu ne vas nulle part.

Ce que nous ne savons pas du parti FUSION d’après Serge, il est important de travailler sans relâche afin de mettre en place un système, permettant d’infuser des termes politiques dans notre discours de tous les jours. Il croyait que le meilleur moyen d’implanter la démocratie en Haïti, passe d’abord par un apprentissage des termes politiques et démocratiques. Il a compris que la meilleure stratégie se résume par le travail acharné avec les jeunes et la prise du pouvoir politique par de bonnes élections, afin d’élargir le processus d’apprentissage.  Il est l’investigateur des écoles de parti au sein de la FUSION, dans le cadre de la réalisation de ses idées novatrices pour les jeunes, il n’a pas pu mater l’envie de partir qui hante cette jeunesse haïtienne de plus en plus méfiante à l’égard de leur patrie. Car les difficultés rencontrées dans le processus jouaient contre lui et repoussaient son rêve :

 Moi-même : Quelles sont les difficultés rencontrées dans le processus de formation ?

S. Gilles : Nous avons une chance d’avoir un siège, le siège nous permet d’être en contact avec la jeunesse, nous sommes l’un des seuls partis à avoir un siège. À mon retour au Pays en 1986, il n’y avait pas de parti politique présent sur le territoire ayant une adresse, à l’époque c’était mal vu d’être membre d’un parti politique, ceci était un héritage laissé par les Duvalier, il n’y a jamais eu de concept politique dans notre langage haïtien. La période des Duvalier était régnée par la peur, personnes n’avait le droit de penser, ni de parler ; tout ce qui a rapport au  » isme » était interdit, les tontons macoutes (milice du régime) les prenaient pour communisme qui était totalement interdit dans le pays. La formation nous permet de faire des recrutements au sein du parti, mais à chaque 50 personne formée, il y a une trentaine qui n’est pas intéressées à devenir membre de la FUSION. Mais notre plus grande difficulté c’est que les jeunes après les séances de formations ils partent. Récemment nous avons formé une quantité de jeunes au parti qui sont présentement au Chili.

Malgré toutes les difficultés rencontrées, il a continué à croire dans la jeunesse, il a misé ses objectifs à long terme sur cette jeunesse, il pensait qu’il n’y a pas meilleur chemin que celui de prendre le pouvoir politique et implémenter la politique de la FUSION, c’est son plus grand rêve, disons que c’était son plus grand rêve :

S. Gilles : à long terme comme tout parti, c’est la prise du pouvoir (rire !!), ce ne sera pas demain, ni après demain, je ne pense pas que c’est moi-même qui va voir ce jour-là, c’est la raison pour laquelle on prépare les militants, les adhérents, les sympathisants, le peuple haïtien en sommes, pour arriver un jour à prendre le pouvoir et instaurer la sociale démocratie dans ce pays. La sociale démocratie du parti FUSION des sociaux-démocrates consiste à engager ce pays dans un processus de création de richesses, pas pour les approprier mais de les distribuer au peuple haïtien.

Ce que j’ai découvert en rencontrant ce personnage, qui était devenu un ami, un mentor, un guide, forgea mes idées politiques. Il est le premier qui m’a appris à bien évaluer mes idées politiques, car disait-il, une fois le peuple en prend connaissance, tu ne peux plus faire marche arrière. Et, tu dois assurer les conséquences de tes idées quoi qu’il arrive (par illustration, il m’a montré ses cicatrices et le sol en mosaïques cassés par la manche des armes de l’armée d’Haïti ayant fait irruption chez lui, le maltraitant pour ses idées politiques). Il m’a appris l’humilité politique : qui est parfois d’accepter d’être du bon côté de l’histoire, même quand la majorité passe de l’autre côté. Car il y a un dicton disant que la majorité n’a pas toujours raison. Ses idées sont encore vivantes, car le Parti FUSION est bel et bien en exercice, ils perdureront, nous l’encourageons. Même si de ma foi, il n’accepterait pas de voir sa patrie comme telle aujourd’hui.

Ne remue pas dans ta tombe grand frère, tes idées sont bien entretenues.

Que ton âme repose en paix Serge.

Stanley Junior Mésalier

Secrétaire Général P. P. INDIGÈNE d’Haïti


[1] Traduction  »poto mitan » de l’Ayisyen veut dire centre de gravité par exemple.

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