Que de récurrences dans nos malheurs !

En remontant la scène politique à partir de 1986 comme année charnière choisie à dessein, je constate que Haïti a dangereusement évolué vers le pire. 

Des luttes sempiternelles, meurtrières, fratricides ! Anéantissement sauvage planifié. Anéantissement collectif et individuel. 

Les baïonnettes s’imposent à la Démocratie, à l’Etat de Droit, à la Constitution. Mieux, elles les surpassent. C’est, selon toute vraisemblance, l’unique façon pour les intolérants de vider leurs différends dans un environnement précaire, dans un milieu peuplé d’aventuriers. 

 En cette fin d’année 2022, il ne peut y avoir de réjouissances dans cet ensauvagement du territoire où, chaque jour qui passe, les gangs de tout crin, prolifèrent, élargissent leurs tentacules justes pour entretenir la peur et le désespoir, pour nous inoculer le venin de la haine et de la division, pour arracher une plus grosse bouchée de nos libertés.

En cette occasion de fin d’année, toutefois, il est venu le temps de dire aux Haïtiens, aux Haïtiennes que le pays a des repères. Il est venu le temps de rappeler aux concitoyens et concitoyennes les réflexions de nos devanciers vers la construction d’un état moderne, sur l’existence de partis politiques réels, sur l’édification des institutions solides et pérennes.  

C’est dans cette lignée que je me suis toujours inscrite en tant que femme politique d’Etat. Après tant de troubles qui ont agité le pays et les dégâts en ma résidence et au local de mon parti, je veux m’adresser aux compatriotes ici et ailleurs, pour mettre en exergue mon parcours politique, la philosophie politique qui m’anime, la portée des alliances que la Fusion a scellées depuis son existence et aussi renouveler mon attachement à la poursuite du combat guidé toujours au nom de l’intérêt National. 

J’ai appris à me dire en luttant que les épreuves, peu importe leurs dimensions, participent des étapes obligées à surmonter pour aller plus loin dans ses ambitions.

Celles des derniers temps sur ma résidence et sur le local de la Fusion, n’ont pas été au fond de moi, ne m’ont pas atteint pour me voir perdre la parole et arrêter mon parcours de grande combattante pour l’édification d’une société plus juste, plus fraternelle, plus conviviale, plus respectueuse des normes et des principes.                              Oh non, je n accorderai pas cette victoire trop facile à ceux-là qui ne cesseront jamais de me regarder comme cette entrave majeure à la reproduction d’un système aussi vieux que l’existence de l’État d’Haïti, 218 années.

Dans ma vie de femme politique et de combat, je me suis constituée, un ressort incassable : ma conviction. Et j’ai de qui tenir car la première femme qui m’a marquée s’appelle Amista Gilles Supplice, ma mère. Elle a déposé en moi cette semence qui n’a cessé de germer.  « Donne-toi des objectifs et avance avec détermination., Fais ce que je n’ai pas su, ni pu faire », me disait-elle toujours. Ces paroles résonnent en moi en permanence, c’est ma première motivation. 

Cette conviction est constamment alimentée par les luttes politiques et sociales des combattantes de ma terre natale. Je rends ici un vibrant hommage aux femmes des plantations coloniales et d’aujourd’hui qui ont mis leur temps à poser les bases d’un mouvement féministe pour la jouissance de tous les droits aux femmes. Je fais référence à Marie Jeanne, Sanite Belair, Marie Claire Heureuse Félicité, Cécile Fatima, Alice Garoute, Madeleine Sylvain Bouchereau pour ne citer qu’elles.

Fort de leur détermination, nous avons, nous les femmes, acquis d’abord le droit de vote et un peu plus tard le droit d’être candidates à toutes les fonctions électives : municipales, législatives et présidentielles.

Désormais, les garanties constitutionnelles et légales existent en notre faveur, mais dans une société qui porte avec orgueil et fierté son machisme, la bataille doit être sans relâche pour une digestion plus aisée de nos avancées significatives.

A ce compte-là, très jeune, j’ai été élue Députée. Aux élections qui ont suivi, en 2006, je suis devenue la 1e Sénatrice du Centre et la 1e Vice-présidence du Grand Corps. A côté de mon statut de Présidente du Parti Fusion des Sociaux-démocrates Haïtiens, je suis la Vice-Présidente de la COPPPAL (Conférence Permanente des Partis Politiques de l’Amérique Latine) et la Vice-Présidente de l’Internationale Socialiste, fraichement élue au congrès de Madrid en novembre 2022.

Bien évidemment, quand je parle de mon parcours, c’est avec gratitude.  J’en sais le meilleur gré du monde à mes devanciers, à Serges Gilles tout particulièrement, à une école de pensée.

Pourquoi, tout de même, le pays est en mode de régression permanente sans arriver à atteindre jusqu’à présent le fond du puits.

Ah ! En mode de régression puisque les méthodes de lutte, utilisées jusque-là par d’aucuns qui se placent à l’avant-scène politique, accordent une grande place à l‘agitation des querelles entre les groupes de la société sans la recherche d’une passerelle nécessaire pour la construction d’une société où tous possèdent le droit d ‘exister et de vivre (noirs, mulâtres, riches, pauvres, vaudouisants, protestants, catholiques etc ).

Les pouvoirs clivants après la chute des Duvalier et bien avant, prenant naissance à la faveur d’une telle forme de combat, sont incapables de poser véritablement les vrais problèmes du pays. A l’évidence, il faut une politique de la modernité pour une gouvernance éclairée.

Mettre ensemble les forces contraires pour le changement, qui n’a pas été appliqué depuis le 18 novembre 1803, demeure le grand défi à relever. Cela exige un virage qualitatif.                

L ‘esprit de 1791, ne peut constituer une fixation éternelle dans les manières de mener les combats, il faut le dépasser.

FUSION, une philosophie et une pratique politique.

Il y a 19 années depuis que des sociaux-démocrates ont mis sur pied cet outil politique. Il s’agit de cette alternative politique crédible dont la vocation essentielle est de conduire, de manière responsable, les Haïtiens à la réalisation graduelle de leurs espérances trop longtemps dévoyées par des aventures politiques sonores et sans substance. L’intérêt National demeure le guide principal de toutes les démarches politiques accomplies.

La Fusion est porteuse d’une philosophie et d’une pratique politique que nous résumons dans les éléments suivants :

  1. Le parti aspire au changement non pas par le biais de révolution violente mais en coopération avec la société civile et les responsables de l’État. 
  2. La recherche de consensus demeure, en tout temps et en toutes circonstances, la marque essentielle conductrice de toutes nos stratégies politiques.
  3. Le parti croit fortement qu’il faut apporter des correctifs sociaux au mode de production en pratique en Haïti : Le féodalo capitalisme.
  4. Le parti fait adoption donc de la forme réformiste et modérée du Socialisme

En 2006, le Parti Fusion des sociaux-démocrates fait une rentrée solennelle dans l’arène politique avec une présence remarquable au Parlement Haïtien : (18 députés et 5 Sénateurs). Le Parti, 1e force politique à cette époque, est donc présent dans ce haut lieu où doivent se manifester les grandes orientations politiques des projets nouveaux pour le Pays.

Mais chaque fois que des élections sont organisées sous le contrôle d’un chef d’Etat, il cherche toujours à se reproduire. D’où des élections truquées à l’instar de Pétion. Fusion demeure le seul parti à avoir recommandé très tôt le vote électronique.

Le Parti a toujours le souci de faire des propositions aux dirigeants placés à la tête de l’État. Il a élaboré le Pacte de gouvernabilité et l’a soumis à l’appréciation des responsables. Dans cette perspective, il a rencontré en maintes occasions René Garcia Préval, Joseph Michel Martelly, Jovenel Moise à l’effet de trouver ensemble la voie capable d’engager notre Haïti dans la voie du progrès et de la modernité. Tous en théorie étaient pour. Dans la pratique, ils étaient contre. Aussi, Haïti a-t-elle prolongé son aventure de pouvoir pour des résultats bien vides ?

Le 20 juillet 2021, quelques jours après l’assassinat du Président Jovenel Moise, le docteur Ariel Henry a pris difficilement le contrôle de la Primature. La Fusion avec d’autres partis politiques et des organisations de la société civile dès le 9 juillet ont élaboré et adopté le Projet d’Entente National (PEN), une façon d’apporter un appui au pouvoir constitué. Quelques semaines plus tard, la nécessité d’un accord politique s’imposait d’où celui signé en date du 11 septembre 2022 pour la conduite de l’État jusqu’à l’installation d’un président élu. Toutefois, son implémentation a rencontré diverses entraves dues à un environnement manichéen créé par certains secteurs.

Après les longues épreuves de blocage systématique du pays en deux occasions par les forces mafieuses et exterminatrices, d’autres organisations tentent d’apporter et de fait apportent leur contribution aux fins de mettre Haïti sur les rails. Le secteur politique, le secteur des affaires, certaines organisations de la société civile ont paraphé le document de CONSENSUS NATIONAL et ont délégué leur représentant au sein du Haut Conseil de Transition.  Un Premier pas est donc franchi vers l’opérationnalisation de ce consensus.     

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

En vivant les derniers évènements qui se déroulent en leurs formes, dans notre pays, j’ai acquis la conviction que l’État Haïtien doit s’atteler à la grande tâche de L’éducation à la Citoyenneté.

Formation du citoyen haïtien. Formation de la citoyenne haïtienne sur les fondamentaux. Droits et devoirs !

L’Etat devra prendre l’enfant en charge et le former pour devenir le citoyen de demain.

Le citoyen, c’est celui qui a une capacité de réflexion, qui s’indigne, qui s’émeut et qui agit en fonction du bien-être collectif. C’est cette communauté d’hommes et de femmes qu’il faut construire.

En étant des adversaires politiques, le citoyen sait qu’on ne se déteste pas pour autant. En ne partageant pas le point de vue de l’autre, il sait qu’on n’a pas le droit d’attenter à sa vie.  

De 1986 à nos jours, j’ai vu des hommes et des femmes d’opinion, des dirigeants et des dirigeantes politiques dans leur positionnement et dans leur affirmation pour telle option et choix de dirigeants. Pour ma part, ils vivent un acquis Constitutionnel et ce n’est point mon désaccord avec telle ou telle stratégie qui me vaudra une haine implacable à leur égard. Ma conception de la démocratie et la reconnaissance du droit de tous et de toutes à l’expression m’interdisent pareille dérive.

Guidée par ma philosophie politique, je rechercherai en tout état de cause le compromis historique. L’affrontement armé ne s’inscrit pas dans mes types de démarches pour la conquête des pouvoirs. Haïti continue de payer à prix fort l’entêtement des uns et des autres à poursuivre une forme de lutte consistant à semer la division stérile entre les Haïtiens eux-mêmes.  A faire le bilan de cette stratégie politique, l’on ne retire aucune gloire, aucune fierté.

Haïti qui est rentrée debout dans l’histoire universelle au 19ème siècle, référence pour tous les peuples de la terre qui luttent pour leur liberté, est de nos jours un espace dénudé. Qui peut se prévaloir d’être à l’avant-garde ? Qui donc peut frapper sa poitrine avec ostentation ? Aujourd’hui, nous sommes les enfants bâtards de la patrie.

L’histoire offre aujourd’hui aux uns et aux autres la possibilité de rachat. Il faut la saisir en construisant une alternative de concertation autour d’une vraie entente nationale. Le seul prix à payer pour faire fructifier l’héritage qui a été transmis il y a plus de deux siècles.

La Fusion continue la bataille. Victor Hugo disait de fort belle manière et je cite : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime »

Resistance, espérance, désillusions ; Espérances, déceptions ; ESPERANCE ET TOUJOURS RESISTANCE.  Elle est juste, la bataille. En route pour l’année 2023. Le Parti reste attaché à sa philosophie politique.

Tet Ansanm ! Tet anplas ! Nap change sa !

AYITI PAP PERI, NAP CHANJE SA !

Edmonde Supplice Beauzile
Présidente PFSDH
Vice-présidente Internationale Socialiste (IS)
Vice-présidente COPPPAL

3 Comments

  • by Alisha Jacques
    Posted 31 octobre 2018 12:29 pm

    Moi et tous mes collègues apprécions ce que votre parti fait pour notre syndicat – se battre pour les droits des employés est plus facile maintenant !

    • by Melissa Pierre-Louis
      Posted 31 octobre 2018 12:37 pm

      Le site Web est génial – vous pouvez facilement trouver des tonnes d’informations sur la campagne !

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